Le Conseil d'Etat juge que le 12 ne devra plus être utilisé par le service de renseignements téléphoniques par opérateur
L'A.R.T. ayant implicitement rejeté ces demandes, les sociétés avaient saisi le Conseil d'Etat de requêtes tendant à l'annulation de ces refus. Par une décision du 25 juin 2004, le Conseil d'Etat a fait droit à ces conclusions.
Il a rappelé à titre préliminaire qu'en application des dispositions du code des postes et télécommunications, il incombait à l'A.R.T. de fixer les règles d'attribution des ressources en numérotation, notamment en ce qui concerne les formats de numérotation, de manière à n'entraîner aucune rupture d'égalité entre les opérateurs de télécommunications et à favoriser, au bénéfice des utilisateurs, une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseaux de télécommunications et les fournisseurs de services de télécommunications.
Le Conseil d'Etat a ensuite jugé que les refus opposés par l'A.R.T. aux demandes dont l'avaient saisie les fournisseurs de services de renseignements téléphoniques méconnaissaient ces deux objectifs.
En premier lieu, s'agissant du principe d'égalité, le Conseil d'Etat a considéré qu'en refusant d'attribuer un même format de numérotation aux services de renseignements téléphoniques offerts par les exploitants de réseaux de télécommunications et à ceux offerts par les autres opérateurs, l'A.R.T. avait laissé subsister une discrimination non justifiée entre ces opérateurs. Il a en effet relevé que si les exploitants de réseaux de télécommunications offrent, sur le "12", des services de renseignements téléphoniques plus limités dans leur contenu que ceux offerts, sur les numéros à quatre chiffres, dits "numéros courts", par les fournisseurs de services de renseignements téléphoniques, ces entreprises, qui fournissent des services aux mêmes utilisateurs, pour des usages et à des prix comparables, ne sont pas dans une situation différente au regard des besoins en format de numérotation selon qu'elles interviennent comme exploitants de réseaux ou comme fournisseurs de services, alors notamment que le service de renseignements téléphoniques n'est pas indissociablement lié à l'exploitation du réseau téléphonique. Il a ajouté que la circonstance que France Telecom offre un service, dit "universel", de renseignements téléphoniques, ne suffit pas non plus à justifier que soit affecté à ce service un format de numérotation différent de celui dévolu aux autres services de renseignements téléphoniques, dès lors notamment que les contraintes imposées à ce service doivent être financièrement compensées par les autres opérateurs.
En second lieu, le Conseil d'Etat a jugé qu'avait également été méconnu l'objectif de concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseaux de télécommunications et les fournisseurs de services de télécommunications. Pour ce faire, il a tout d'abord relevé que ces deux catégories d'opérateurs offrent des services substituables, au moins pour partie, et peuvent, de ce fait, être regardés comme intervenant sur un même marché. Il a ensuite jugé que les règles de gestion du plan national de numérotation, en autorisant les exploitants de réseaux de télécommunications à fournir en exclusivité à leurs abonnés, sous le numéro "12", traditionnellement associé au service de renseignements par téléphone et sans verser de redevance, des services de renseignements téléphoniques, méconnaissent, compte tenu de la position dominante de ces opérateurs sur le marché, l'objectif ci-dessus mentionné.
Avant de conclure à l'impossibilité de maintenir le "12", le Conseil d'Etat a dû écarter deux objections soulevées par l'.A.R.T.. Il a tout d'abord jugé que le partage du "12" entre tous les opérateurs offrant des services de renseignements téléphoniques, envisagé par l'Autorité, n'était pas de nature à lever les obstacles ainsi créés au libre jeu de la concurrence, dès lors que les exploitants de réseaux de télécommunications, dont le nombre est limité et qui détiennent les informations nécessaires à l'établissement des listes d'abonnés utilisées pour la fourniture de services de renseignements téléphoniques, conserveraient, en tout état de cause, dans cette hypothèse, la maîtrise de l'accès aux services fournis par les opérateurs concurrents, via le mécanisme dit de "pré-sélection".
L'A.R.T. faisait également valoir que certaines associations de consommateurs avaient manifesté le souhait de continuer à disposer du numéro qui donne traditionnellement accès au service de renseignements téléphoniques. Le Conseil d'Etat a jugé que cette circonstance ne suffisait pas à justifier le maintien du "12", compte tenu notamment de la possibilité d'aménager un dispositif transitoire permettant de garantir la continuité et la simplicité d'accès au service jusqu'alors fourni par le "12" et au regard des gains attendus, en termes de prix, de qualité et de diversité des services de renseignements offerts, d'une concurrence sur le marché des services de renseignements téléphoniques.
L'annulation des décisions de l'A.R.T. impliquant nécessairement, d'une part, que celle-ci attribue des numéros de même format à tous les opérateurs offrant des services de renseignements téléphoniques et, d'autre part, qu'elle modifie le plan national de numérotation afin que, sous réserve, le cas échéant, d'une période transitoire, le numéro "12" ne puisse plus être utilisé pour le service de "renseignement par opérateur", le Conseil d'Etat a enfin enjoint à l'Autorité de définir ces mesures dans un délai maximum de six mois à compter de la notification de sa décision.
Cette affaire, d'une grande portée pratique, et qui appelait l'appréciation de données techniques et concurrentielles assez complexes, a justifié que le Conseil d'Etat utilise une procédure d'instruction particulière et entende simultanément les parties pour permettre un échange oral de vues et d'arguments.
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